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CICÉRON.

voilà réduit à un seul pauvre petit navire d’emprunt, toi qui, avant d’avoir épousé Cornélie, naviguais sur cette même mer avec des milliers de voiles ! Ah ! pourquoi es-tu venu me revoir ? Pourquoi ne m’as-tu pas abandonnée à mon malheureux destin, moi qui, depuis que tu m’as épousée, ne t’ai apporté que revers et désastres ? Que j’aurais été heureuse si j’étais morte avant d’apprendre la mort de Crassus, mon premier mari, que les Parthes m’ont tué, ou que j’aurais été sage si, après sa mort, je l’avais suivi dans le tombeau, comme j’en avais la pensée ! Je n’ai donc vécu, je n’ai donc aimé le grand Pompée que pour être la cause de ses malheurs !… »

Mais Pompée la consolant avec des caresses et la relevant à la hauteur de son impassibilité romaine : « Cornélie, lui dit-il, tu t’affliges parce que tu n’as connu jusqu’ici avec moi que l’heureuse fortune, et c’est cette heureuse fortune elle-même qui t’a trompée et qui t’étonne aujourd’hui de nos revers, parce qu’elle a été plus longtemps avec moi qu’elle n’a continué d’être fidèle à aucun de ses favoris ; mais il faut supporter ses vicissitudes puisque nous sommes nés mortels, et la tenter encore avec confiance, car puisque de ma grandeur passée je suis tombé dans l’humiliation où tu me vois, il n’est pas impossible que de l’humiliation où tu me vois je une me relève a ma grandeur passée ! » Un philosophe grec de Lesbos, ami de Cornélie, qui était présent, s’entretint un moment avec Pompée de la Providence, que le vaincu était tenté d’accuser d’injustice en livrant ainsi le bon droit à la force. « La Providence ! dit Plutarque, c’étaient les vices du peuple romain, incapables de soutenir plus longtemps la république, et pressés de se punir eux-mêmes en couronnant la tyrannie. »

On émigra vers l’Égypte, asile que Pompée croyait le seul fidèle et le seul sûr, parce qu’il y avait couronné lui-même autrefois le père du jeune roi qui y régnait alors.