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CICÉRON.

où son âme et celle de son siècle se révèlent dans un langage digne de tous les siècles.

Le second Scipion, une des plus pures gloires et des plus grandes vertus de Rome, y est mis en scène par Cicéron. Ce second Scipion raconte à ses amis, dans cet entretien, un songe qu’il a eu en Afrique, songe dans lequel l’ombre de son aïeul Scipion l’Africain, le vainqueur de Carthage, lui apparaît, lui prophétise sa mort funeste ; l’encourage à persévérer dans les services ingrats que tout citoyen doit à sa patrie, à mépriser la mort, et, ce qui est plus sublime encore, à mépriser même la gloire.

« … — Mais, continua mon aïeul, pour que tu sentes redoubler ton ardeur à défendre l’État, sache que tous ceux qui ont sauvé, secouru, agrandi leur patrie, ont dans le ciel un lieu préparé d’avance, où ils jouiront d’une félicité sans terme. Car le Dieu suprême qui gouverne l’immense univers ne trouve rien sur la terre qui soit plus agréable à ses yeux, que les réunions d’hommes assemblés sous la garantie des lois, et que l’on nomme des sociétés civiles. C’est du ciel que descendent ceux qui conduisent et qui conservent les nations, c’est au ciel qu’ils retournent… »

» Ce discours de l’Africain avait jeté la terreur en mon âme. J’eus cependant la force de lui demander s’il vivait encore, lui et Paul-Émile, mon père, et tous ceux que nous regardons comme n’étant plus. « La véritable vie, me dit-il, commence pour ceux qui s’échappent des liens du corps ou ils étaient captifs ; mais ce que vous appelez la vie est réellement la mort. Regarde ! voici ton père qui vient vers toi !… » Je vis mon père, et je fondis en larmes ; mais lui, n’embrassant, me défendit de pleurer…

» Dès que je pus retenir mes sanglots, je dis : « O mon père, modèle de vertus et de sainteté, puisque la vie est en vous, comme me l’apprend l’Africain, pourquoi reste-