Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
CICÉRON.

rais-je plus longtemps sur la terre ? Pourquoi ne pas me hâter de venir dans votre société céleste ?… — Non, pas ainsi, mon fils, me répondit-il ; tant que Dieu, dont tout ce que tu vois est le temple, ne t’aura pas délivré de ta prison corporelle, tu ne peux avoir accès dans ces demeures. La destination des hommes est de garder ce globe que tu vois situé au milieu du temple universel de Dieu, et dont une parcelle s’appelle la terre… Ils ont reçu une âme !… C’est pourquoi, mon fils, toi et tous les hommes religieux, vous devez retenir votre âme dans les liens du corps ; aucun de vous, sans le commandement de celui qui vous l’a donnée, ne peut sortir de cette vie mortelle. En la fuyant, vous paraîtriez abandonner le poste où Dieu vous a placés. Mais plutôt, Scipion ! comme ton aïeul qui nous écoute, comme moi qui t’ai donné le jour, pense a vivre avec justice et piété ; pense au culte que tu dois à tes parents et à tes proches ; que tu dois surtout à la patrie. Une telle vie est la route qui te conduira au ciel et dans l’assemblée de ceux qui ont vécu, et qui, maintenant délivrés du corps, habitent le lieu que tu vois… »

» Mon père me montrait ce cercle qui brille par son éclatante blancheur au milieu de tous les feux célestes, et que vous appelez, d’une expression empruntée aux Grecs, la Voie lactée. Du haut de cet orbe lumineux je contemplais l’univers, et je le vis tout plein de magnificence et de merveilles. Des étoiles que l’on n’aperçoit point d’ici-bas parurent à mes regards, et la grandeur des corps célestes se dévoila à mes yeux. Elle dépasse tout ce que l’homme a jamais pu soupçonner. De tous les corps, le plus petit, qui est situé aux derniers confins du ciel, et le plus près de la terre, brillait d’une lumière empruntée. Les globes étoilés l’emportaient de beaucoup sur la terre en grandeur. La terre elle-même me parut si petite, que