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CICÉRON.

notre empire, qui n’en touche qu’un point, me fit honte !

» Comme je la regardais attentivement : « Eh bien, mon fils, me dit-il, ton esprit sera-t-il donc toujours attaché à la terre ? Ne vois-tu pas dans quelle demeure supérieure et sainte tu es appelé ?… »

» Je contemplais toutes ces merveilles, perdu dans mon admiration. Lorsque je pus me recueillir :

» — Quelle est donc, demandai-je a mon père, quelle est cette harmonie si puissante et si douce au milieu de laquelle il me semble que nous soyons plongés ?

» — Je vois, dit l’Africain : tu contemples encore la demeure et le séjour des hommes. Mais, si la terre te semble petite comme elle l’est en effet, relève tes yeux vers ces régions célestes, méprise toutes les choses humaines. Quelle renommée, quelle gloire digne de tes vœux veux-tu acquérir parmi les hommes ? Tu vois quels imperceptibles espaces ils occupent sur le globe terrestre, et quelles vastes solitudes séparent ces quelques taches que forment les points habités. Les hommes, dispersés sur la terre, sont tellement isolés les uns des autres, qu’entre les divers peuples il n’est point de communication possible. Tu les vois semés sur toutes les parties de cette sphère, perdus aux distances les plus lointaines, sur les plans les plus opposés. Quelle gloire, espérer de ceux pour qui l’on n’est pas ? Quand même les races futures répéteraient et l’envi les louanges de chacun de nous ; quand même notre nom se transmettrait dans tout son éclat de génération en génération, les déluges et les embrasements qui doivent changer la face de la terre, et des époques immuablement déterminées, enlèveraient toujours et notre gloire d’être, je ne dis pas éternelle, mais durable. Et que t’importe d’ailleurs d’être célèbre dans les siècles à venir, lorsque tu ne l’as pas été dans les temps écoulés, et par des hommes tout aussi nombreux