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CICÉRON.

et incomparablement meilleurs ?… C’est pourquoi, si tu renonces à venir dans ce séjour où se trouvent tous les biens des grandes âmes, poursuis cette ombre qu’on appelle la gloire humaine, et qui peut à peine durer quelques jours. Mais si tu veux porter tes regards en haut, et les fixer sur ton séjour naturel et ton éternelle patrie, ne donne aucun empire sur toi aux discours du vulgaire. Élève tes vœux au-dessus des récompenses humaines, et que la vertu seule te montre le chemin de la véritable gloire, et t’y attire pour elle-même. C’est aux autres à savoir ce qu’ils devront dire de toi. Ils en parleront sans doute ; mais la plus belle renommée est tenue captive dans ces bornes étroites où votre monde est réduit ; elle n’a pas le don de l’immortalité, elle périt avec les hommes, et s’éteint dans l’oubli de la postérité ! »

» Lorsqu’il eut ainsi parlé :

» — O Scipion, lui dis-je, s’il est vrai que les services rendus à la patrie nous ouvrent les portes du ciel, votre fils, qui depuis son enfance a marché sur vos traces et sur celles de Paul-Émile, et n’a peut-être pas manqué à ce difficile héritage de gloire, veut aujourd’hui redoubler d’efforts à la vue de ce prix inappréciable…

» — Courage ! me dit-il, et souviens-toi que si ton corps doit périr, toi, tu n’es pas mortel. Cette forme sensible, ce n’est point toi ; ce qui fait l’homme, c’est l’âme, et non cette figure que l’on peut montrer du doigt. Sache donc que tu es divin ; car c’est être divin que de sentir en soi la vie, de penser, de se souvenir, de prévoir, de gouverner, de régir et de mouvoir le corps qui nous est attaché, comme le Dieu véritable gouverne ses mondes. Semblable à ce Dieu éternel qui meut l’univers en partie corruptible, l’âme immortelle meut le corps périssable. Exerce-la, cette âme, aux fonctions les plus excellentes. Il n’en est pas de plus élevées que de veiller