Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
HOMÈRE.

noux l’herbe molle ; la terre qui la portait en sourit… Aussitôt Délos se couvre d’or, comme la tête d’une montagne couronnée de forêts. C’est dans cette île que se rassemblent les Ioniens (peuple de Smyrne) aux robes flottantes, avec leurs enfants et leurs chastes épouses. En les voyant réunis en face du temple, on les prendrait pour des immortels exempts de vieillesse. L’âme s’épanouit en contemplant la beauté des hommes, la stature majestueuse des femmes, leurs rapides vaisseaux, leurs merveilleuses richesses… »

Puis le poëte se repliant sur lui-même, à la fin de cette énumération, et s’adressant aux filles de Délos : « Si jamais, leur dit-il dans la dernière strophe, si jamais parmi les mortels quelque voyageur malheureux aborde ici, et qu’il vous dise : « Jeunes filles, quel est le plus inspiré des chantres qui visitent votre île, et lequel aimez-vous le mieux écouter ? » répondez alors toutes, en vous souvenant de moi : « C’est l’homme aveugle qui habite dans la montagneuse Chio ; ses chants l’emporteront éternellement dans l’avenir sur tous les autres chants ! »

Voilà, en quelques vers d’Homère lui-même, le site, le temps, les peuples, les mœurs de la Grèce à son avénement.

Nous empruntons naïvement le récit de sa vie aux traditions antiques et locales qui se sont transmises de bouche en bouche parmi les hommes les plus intéressés à se souvenir de lui, puisqu’il était leur gloire. Les traditions, toutes merveilleuses qu’elles paraissent, sont l’érudition des peuples ; nous y croyons plus qu’aux savants qui viennent après des siècles les contester ou les démentir. En l’absence de livres écrits, la mémoire des nations est le livre inédit de leur race. Ce que le père a raconté au fils, et que le fils a redit à ses enfants d’âge en âge, n’est jamais sans fondement dans la réalité. En remontant de génération en