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CICÉRON.

un reste de vie, veut du moins immortaliser sa mémoire, sont le cri de mort de Cicéron, destiné à retentir au delà. de sa tombe. Le raisonnement, la passion, la prière, l’imprécation, l’invective, la fureur sacrée qui sanctifie l’injure, l’apostrophe aux Romains, l’invocation aux dieux, le défi au poignard, l’héroïsme de l’âme, du cœur, de l’accent, du geste, y sont tour à tour ou tout ensemble allumés de la flamme de l’éloquence pour relever les Romains de leur prostration, et pour leur rendre, par l’excès du mépris contre leur tyran, sinon le courage de la liberté, du moins la honte de leur servitude. C’est le plus long et le plus sublime accès de colère qui ait jamais retenti parmi les hommes !

Rome et le sénat se relevèrent en effet quelques mois à ces accents, mais pour retomber.

Pendant que Cicéron, à soixante-quatre ans passés, s’efforcait ainsi de rendre à sa patrie le feu inextinguible en lui de sa jeunesse, Octave, pour lequel il combattait à Rome, négociait à Modène avec ses deux rivaux, Lépide et Antoine, trouvant plus sur de partager l’empire que de le jouer dans une bataille douteuse, et bien sur d’avance que son nom et sa politique le lui donneraient plus tard tout entier.

Cicéron, informé de cette trahison et de cette ingratitude de son jeune pupille, écrivait en vain à Brutus et à Cassius de revenir précipitamment en Italie avec leurs troupes d’Afrique pour sauver encore une fois la république. Leur crime pesait sur eux ; ils n’osèrent pas reparaître sur la terre où le cri du sang de César s’élevait de plus en plus contre eux.

Octave, Antoine, Lépide, convinrent d’une entrevue dans une petite île entourée par le fleuve du Réno, auprès de Bologne. Ils y délibérèrent seuls pendant trois jours et trois nuits, et convinrent de former entre eux un triumvirat