Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
CICÉRON.

Les deux litières étaient posées côte à côte sur le chemin, et les porteurs éloignés ; les deux frères s’entretinrent un moment sans témoin par les portières. Il fut convenu que Quintus, comme le moins illustre et le plus oublié des deux, retournerait seul à Antium, leur pays natal ; qu’il en rapporterait l’argent nécessaire à leur fuite, et qu’il rejoindrait en toute hâte Cicéron dans sa maison de la côte de Gaète, où il allait l’attendre pour s’embarquer. Puis les deux proscrits, comme s’ils avaient eu le pressentiment de leur éternelle séparation, se récrièrent sur l’extrémité de leur malheur, qui ne leur permettait pas même de le supporter ensemble, pleurèrent de tendresse sur le chemin à la vue de leurs esclaves, et, se serrant dans les bras l’un de l’autre, se séparèrent et se rapprochèrent plusieurs fois comme dans un dernier adieu.

Quintus retourna vers Astura, pour regagner par les sentiers des montagnes sa maison d’Antium avec son fils. Cicéron poursuivit sa route vers, le bord de la mer, et s’embarqua sur une galère. Il possédait dans une anse du rivage de Gaète, à l’endroit où l’on voit encore aujourd’hui son tombeau s’élever comme un écueil de la gloire auprès des écueils de l’Océan, une maison de campagne embellie de tous les luxes et ornée de toutes les délices d’une résidence d’été pour les grands citoyens de Rome. Elle s’élevait sur un promontoire d’où le regard embrassait une vaste étendue de mer, tantôt limpide et silencieuse, tantôt écumeuse et murmurante, enceinte par le demi-cercle d’un golfe peuplé de villes maritimes, de temples, de villas romaines, de navires, de barques et de voiles qui en variaient les bords et les flots. Les vents étésiens, qui soufflent du nord pendant la canicule, en rafraîchissaient la température ; des jardins en terrasses descendaient d’étages en étages de la maison aérée à la plage humide ; des cavernes naturelles, achevées par l’art, pavées de mosaïques, entrecou-