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CICÉRON.

pées de bassins où l’eau de la mer, en pénétrant par des canaux invisibles, renouvelait la fraîcheur, y servaient aux bains. Un temple domestique, vraisemblablement celui qu’il avait consacré à sa fille Tullia, laissait éclater au-dessus ses colonnes et ses chapiteaux de marbre de Paros, à demi voilés par les orangers, les lauriers, les figuiers, les pins, les myrtes et les pampres des hautes vignes qui tapissent éternellement cette côte.

C’est la que Cicéron descendit de sa galère pour y attendre l’heure du départ et le retour de son frère Quintus. Les triumvirs étaient encore à plusieurs journées d’étape de Rome ; la Campanie était libre de troupes, et tout annonçait que les sicaires d’Antoine n’y marcheraient pas aussi vite que sa vengeance.

Mais sa vengeance le devançait. À peine Quintus et son fils étaient-ils arrivés secrètement dans leur ville paternelle d’Antium, pour y vendre leurs biens et pour en rapporter le prix à Cicéron, que la trahison domestique révéla leur présence aux émissaires des triumvirs, et qu’ils furent égorgés, le père et le fils, dans leurs propres foyers, pour le crime de leur nom.

À cette nouvelle, les affranchis et les esclaves de Cicéron le conjurent avec plus d’instances de fuir. Il monte sur sa galère, et navigue jusqu’au promontoire de Circé, cap avancé du golfe de Gaète, pour faire voile vers l’Afrique. Il s’y fit descendre, terre, malgré les instances des pilotes et la faveur de vents. Il ne pouvait s’arrachera cette dernière plage de l’Italie, ni désespérer tout à fait du cœur et de la reconnaissance d’Octave.

Il reprit, à pied et en silence, le long de la plage, le chemin qui ramenait vers Rome ; Sa galère le suivait à quelque distance sur les flots. Après avoir marché ainsi quelques milles, abîmé dans ses perplexités, la nuit commençant à tomber, il fit signe à ses rameurs d’ap-