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CÉSAR.

cordé des comices, des tribuns, des droits électoraux, des magistratures propres, qui le rendaient l’égal du sénat ; mais ce peuple, aussi égoïste et aussi exclusif que les grands, avait borné à lui-même l’exercice des droits des citoyens romains.

C’étaient deux oligarchies rivales, l’une dans le sénat, l’autre dans le Forum, se combattant pour s’arracher leurs priviléges, ou se conciliant pour imposer ensemble leur joug à la plèbe et aux provinces ; ce n’était point une république telle que nous entendons aujourd’hui, par ce mot, le gouvernement représentatif organisé du peuple tout entier. Cette idée d’égalité, de représentation dans le pouvoir politique pour assurer l’égalité du droit dans l’ordre civil, n’était pas née encore dans le monde romain. Elle devait naître d’une religion meilleure, distributrice de l’équité divine entre les classes. Seul, l’esclavage, admis al=ors partout, protestait contre l’établissement d’une démocratie véritable.

Rome, avec ses deux tribunes, ses deux aristocraties, ses deux consuls annuels, ses comices, ses tribuns, ses sénatus-consultes, ses plébiscites, ses brigues de suffrages, ses luttes intestines, ses guerres civiles, ses dictatures, tyrannie à temps pour interposer la force entre les anarchies, avait été un éternel orage. Mais cet orage avait répandu sur le monde les plus beaux éclairs d’éloquence, de génie, de courage et de vertu. Tant que Rome avait été à l’étroit dans l’Italie, ou tant qu’elle avait eu à conquérir en Sicile, en Espagne, en Grèce, en Asie Mineure, en Égypte, à Carthage, la nécessité du salut commun ou la tension de l’ambition commune avait ajourné les grandes luttes intestines, seule cause de mort des nations.

Mais quand Carthage fut conquise par les Scipions, la dernière vertu de la république, le génie soldatesque nourri par Rome dans ses légions pour asservir l’univers