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CÉSAR.

Il était né entre les prescriptions de Marius, le bourreau des nobles, et les proscriptions de Sylla, le bourreau des plébéiens. Cette date explique ses ambitions et son impiété envers une telle liberté. Le premier sentiment qui dut se lever dans son âme fut de désespérer de la république. Un grand homme vertueux aurait rêvé de la réformer et de la rasseoir ; un grand homme dépravé devait rêver de l’asservir et de s’en emparer.

La nature et la fortune avaient façonné l’homme pour le rôle. Il avait tout ce qui séduit les hommes et tout ce qui les subjugue : un grand nom, une grande beauté, un grand génie, un grand caractère. On peut dire de lui seul qu’il était né populaire.

Sa famille était des plus antiques de Rome, où l’antiquité de la race était une consécration aux yeux du peuple. Son sang se confondait avec celui des dieux. La première fois qu’il parla en public, aux funérailles de sa tante, il énuméra fièrement lui-même ses aïeux comme des titres à l’attention publique : « Mon aïeule maternelle, dit-il, descendait d’Ancus Martius, la souche des rois de Rome ; la famille Julia, à laquelle s’affilie la mienne, descend de Vénus elle-même. Je réunis donc dans mon sang quelque chose de la majesté des rois, si puissants parmi les hommes, et de la majesté des dieux, qui sont les maîtres des rois ! »

La richesse de cette maison répondait à son antiquité. Elle possédait d’immenses domaines ruraux dans le Latium, une vaste clientèle dans Rome, l’habitude héréditaire des grandes charges, des milliers d’esclaves dans ses terres, un palais et des jardins somptueux dans la Via Suburra, le quartier sénatorial des vieux patriciens. Son père, qui mourut jeune, le laissa, sous la tutelle de sa mère, maître d’une liberté et d’une opulence précoces. À seize ans, il commençait à attirer l’attention sur lui par son nom,