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CÉSAR.

plit toutes, n’y laissait ni froncement, ni protubérance, ni ride ; il pensait sans qu’on le vît réfléchir, tant la pensée en lui était rapide, naturelle et spontanée ! Sa peau blanche était épilée avec raffinement sur la poitrine, sur les joues et sur les jambes nues. Ses yeux étaient noirs dans le repos ; dans l’émotion ils se teintaient, disent ses peintres, de nuances mélangées et de jets de feu qui en rendaient la couleur incertaine ; ils semblaient lancer Je regard comme un trait, aussi loin et aussi profondément qu’il voulait atteindre. Ses joues avaient la pâleur de l’étude ou de la volupté fatiguée. Sa bouche, bien ouverte et souriante, n’avait ni sévérité, ni contention, ni dédain ; des paroles gracieuses en coulaient de source. Sa voix sonore et bien timbrée s’entendait de loin sans effort ; la bienveillance en tempérait l’accent. Son geste participait de ce désir universel de plaire : il tendait la main avec cordialité à ceux qui le saluaient par son nom, quel que fût le rang du salueur, et il la pressait légèrement ou avec force, selon la convenance ou l’amitié.

Tel était César à dix-sept ans : déjà regardé des vieillards, envié des jeunes gens, idolâtré des femmes, caressé du peuple, promis aux précoces fonctions des hautes magistratures, studieux, lettré, éloquent, débauché, aspirant à toutes les supériorités, même à celle des vices, né pour être le salut ou la perte de sa patrie.

C’était pendant les dernières années de la dictature du vieux Sylla, qui avait fait triompher non un ordre durable, mais une tyrannie précaire sur une autre tyrannie. Les agitations suscitées par les Gracques, patriciens factieux passés aux séditions du peuple et abandonnés par leurs complices à la vengeance des patriciens ; la dictature de Marius, démagogue soldatesque sans génie et sans vertu, mort d’excès de vin après des excès de sang contre la noblesse, avaient lassé le peuple lui-même de ses convulsions.