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CÉSAR.

Il étudia la rhétorique civile et la rhétorique politique sous le célèbre professeur Molon, qui déjà avait été le maître de Cicéron. Il en apprit tout ce que l’art peut enseigner à une si riche nature, pour accomplir la pensée par la parole : l’ordre du discours, la symétrie de l’expression, le choix et la sobriété des images, les transitions, ces phases variées du même raisonnement, la disposition des arguments, les mouvements, ces commotions de l’âme, la chaleur croissante produite par la progression, les péroraisons, ce nœud des harangues qui ramène tous les fils de la discussion en un seul faisceau, qui les serre avec vigueur autour des convictions résumées de l’orateur et qui défie l’auditoire de leur échapper ; enfin l’attitude, l’accent, le geste, le regard, cette éloquence du visage qui achève l’éloquence de l’esprit. Il y étudia aussi l’histoire, ce maître de toute expérience et de toute politique. Les Grecs dégénérés employaient alors, comme on le voit, toute leur supériorité d’intelligence à se former des oppresseurs plus accomplis.

Ce ne fut qu’après plusieurs mois, employés à ces études, que César, apprenant la mort de Sylla, s’embarqua pour l’Italie.

Il y avait alors, et pour un moment, à Rome, une lacune de tyrannie qui laissait un peu de jour aux grandes ambitions étouffées sous la toute-puissance de Sylla.

Le seul homme qui dominât de sa renommée, de son crédit et de ses armes les partis prêts à se mesurer de nouveau, était le grand Pompée. Sa fortune plus que son mérite en avait fait l’arbitre des Romains. Sa naissance modeste ne lui inspirait ni l’orgueil des patriciens ni la haine des plébéiens ; son éducation politique sous Sylla, dont il avait été l’élève et le lieutenant, lui donnait la confiance du sénat ; la faiblesse de son caractère et la paresse de son esprit laissaient à tous les partis l’espérance de l’in-