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CÉSAR.

sont admirablement propres à les rendre insolubles ; mais ils dominent en attendant, et ils paraissent arbitres des choses, quand ils n’en sont que les jouets.

L’homme de Pompée à Rome pendant ses absences était Cicéron.

Si on mesurait les hommes à l’intelligence seulement et non au caractère et à la fortune, nul dans Rome, et peut-être dans toute l’antiquité, ne serait aussi grand que Cicéron. Mais la naissance, la fortune et la vigueur d’âme ne lui avaient pas été autant prodiguées que le génie. Né à Arpinum, bourgade du Latium, de parents obscurs, illustré seulement par la poésie, par les lettres, par la souveraine éloquence dans le barreau, parvenu au sénat et aux grandes charges de la république par la faveur des patriciens, mais traité par eux en homme utile à leur cause plutôt qu’en égal, Cicéron avait dans l’aristocratie l’espèce de subalternité de ce qu’on appelait à Rome un homme nouveau, et il avait dans le parti plébéien l’envie et l’impopularité qui s’attachent à un homme inféodé à l’aristocratie. Son éloquence triomphait de ces deux obstacles les jours de tribune, et, s’il avait eu le caractère aussi bien trempé que l’esprit, il pouvait, entre Marius, Sylla, Pompée, César, prendre sur sa patrie la dictature de l’intelligence et de la politique, et sauver la liberté de la dictature des armes.

Cicéron, indépendamment de ses talents, était, dans toute l’étendue du mot, un homme de bien. Il aimait la vertu non-seulement comme belle, mais comme sainte ; son ambition, soutenue par un peu de vanité, aspirait et s’élever, mais par les voies honnêtes ; il n’aurait acheté aucune grandeur au prix d’un crime ; il avait un immense besoin de l’estime des autres, mais avant tout de l’estime de lui-même. Les lettres, qu’il cultivait avec passion depuis son enfance, ne l’avaient pas seulement poli, elles