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HOMÈRE.

cun des enfants, en venant a l’école de Phémius, lui apportait une toison entière ou une poignée de toison des brebis de son père. Phémius les faisait filer par ses servantes, les teignait et les échangeait ensuite, prêtes pour le métier, contre les choses nécessaires à la vie de l’homme. Crithéis, qui avait entendu parler de la bonté de ce maître d’école pour les enfants, parce qu’elle songeait d’avance sans doute à lui confier le sion quand il serait en âge, conduisit son fils par la main au seuil de Phémius. Il fut touché de la beauté et des larmes de la jeune fille, de l’âge et de l’abandon de l’enfant ; il reçut Crithéis dans sa maison comme servante ; il lui permit de garder et de nourrir avec elle son fils ; il employa la jeune Magnésienne à filer les laines qu’il recevait pour prix de ses leçons ; il trouva Crithéis aussi modeste, aussi laborieuse et aussi habile qu’elle était belle ; il s’attacha à l’enfant, dont l’intelligence précoce faisait présager je ne sais quelle gloire à la maison où les dieux l’avaient conduit ; il proposa et Crithéis de l’épouser, et de donner ainsi un père à son fils. L’hospitalité et l’amour de Phémius, l’intérêt de l’enfant, touchèrent à la fois le cœur de la jeune femme ; elle devint l’épouse du maître d’école et la maîtresse de la maison dont elle avait abordé le seuil en suppliante, quelques années auparavant.

Phémius s’attacha de plus en plus au petit Mélésigène. Ce nom, qu’on donnait familièrement à Homère, veut dire enfant de Mélès, en mémoire des bords du ruisseau où il était né. Son père adoptif l’aimait à cause de sa mère, et aussi à cause de lui. Instituteur et père à la fois pour cet enfant, il lui prodiguait tout son cœur et tous les secrets de son art. Homère, dont l’âme était ouverte aux leçons de Phémius par sa tendresse, et que la nature avait doué d’une intelligence qui comprenait et d’une mémoire qui reproduisait toutes choses, récompensait les soins du vieillard et réjouissait l’orgueil de Crithéis. On le regardait