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CÉSAR.

Au moment où il triomphait ainsi de Pompilius, César perdit sa première femme, qu’il avait tendrement aimée malgré ses désordres. Soit pour satisfaire sa douleur, soit pour intéresser le peuple qui aime les larmes et les spectacles, César, contrairement à l’usage qui n’admettait les funérailles publiques et les oraisons funèbres que pour les femmes âgées, mères d’illustres familles, prononça lui-même devant le peuple, en robe de deuil, et interrompu par ses propres sanglots, l’éloge funèbre de sa jeune femme. Il entra par cette sensibilité éclatante, mais vraie, plus avant dans le cœur du peuple. Son deuil même, quoique réel, était une candidature.

Le peuple, pour le consoler, lui donna ses suffrages pour la charge de questeur en Espagne, magistrature moitié civile, moitié militaire, qui préparait aux fonctions de préteur ou de gouverneur dans des provinces romaines. Ces provinces, on s’en souvient, étaient des royaumes ou des républiques.

César remplit pendant trois ans ces fonctions de juge suprême, en Espagne, avec l’équité et l’humanité d’un homme qui dédaignait d’opprimer de simples sujets de Rome, et qui aspirait à régner de plus haut que d’un tribunal de questeur. La lenteur de sa fortune l’ennuyait visiblement pendant cette relégation oisive en Espagne. Il cachait mal son impatience à ses amis ; peut-être même affectait-il de faire confidence de ses aspirations pour faire augurer de plus loin sa grandeur. C’est la qu’il se consuma de cette maladie de la gloire qu’on appelle émulation dans les grandes âmes, envie dans les petites, et qu’il s’effraya de la brièveté de la vie comparée à l’immensité de ses rêves.

Un jour qu’il visitait à Cadix le temple d’Hercule, il s’arrêta longtemps devant un buste d’Alexandre, et ne put retenir un soupir dont ses amis lui demandèrent le sens.