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CÉSAR.

« Hélas dit-il, je songeais qu’à mon âge (trente-sept ans) ce héros avait déjà conquis le monde et que je n’ai pas encore commencé ma gloire ! »

La nuit même ses songes participaient de ses préoccupations du jour ; il rêva qu’il faisait violence à celle qui lui avait donné la vie. Les devins, toujours complaisants aux désirs de ceux qui les consultent, lui dirent que ce songe lui promettait la domination, par les armes, de la terre, notre mère commune.

Revenu en Italie, il y visita sur sa route les provinces et les villes dont les habitants opprimés convoitaient le titre et les droits de citoyens romains. Il les encouragea sous main à soutenir leurs exigences par des pétitions et au besoin par les armes. Tout germe de faction lui était bon, pourvu qu’il lui permît de faire fructifier sa popularité.

Rome, à son retour, lui parut mûre pour l’anarchie, qui fait tout craindre aux bons citoyens, tout espérer aux ambitieux. Les démagogues le sondèrent et le trouvèrent ou complice ou indulgent pour leurs plans les plus désespérés de subversion. Il leur donna son silence sans leur donner ni son nom ni sa main ; il acceptait le bénéfice de leur conspiration, mais il était trop habile pour accepter l’odieux de leur crime. Il fut confident d’un égorgement en masse du sénat pour donner la dictature à l’ancien consul Crassus, dont César, en récompense de sa neutralité, aurait été le premier lieutenant ou le commandant général de la cavalerie. César devait donner le signal du meurtre aux conjurés dans le sénat en laissant glisser, au moment marqué, sa robe de dessus son épaule. La timidité ou le remords de Crassus examina la conspiration.

César, nommé édile, en renoua une autre moins atroce, mais mieux combinée, avec Pison jeune, patricien comme lui, du parti des démagogues. Pison devait soulever les colonies romaines de l’Italie en Piémont, en Ligurie, en