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CÉSAR.

punir l’édile qui avait bravé les lois ; il se contenta de s’assembler, de murmurer et de frémir. Quelques rares sénateurs de Rome prévirent, comme on devait prévoir à Paris, la témérité sous l’ovation, et avertirent vainement le sénat du danger de rendre aux vétérans leurs idoles. L’un d’eux, le plus courageux après Caton, nommé Lutatius, ne craignit pas de déchirer le voile sur le visage de César. « Vous le voyez, s’écria-t-il, ce n’est plus par des mines et des souterrains que César sape la république, c’est par des machines de guerre découvertes et au grand jour ! »

Mais cette indignation des hommes de bien était déjà un titre de plus pour César à l’enthousiasme des factieux.

Cependant, avec une astuce que Machiavel n’aurait su assez admirer, César, au moment où il venait de donner à la faction de Marius ce signe compris de connivence, donna à la faction de Sylla un signe à peu près égal d’alliance. Il épousa Cornélie, nièce de Sylla, s’alliant ainsi avec les uns par les images de Marius, avec les autres par le sang du dictateur, et se faisant une candidature des gages équivoques qu’il donnait aux deux partis. Cette candidature, appuyée sur la faveur de la multitude, le promut au titre de souverain pontife. Il brigua avec passion les suffrages pour cette dignité, qui lui assurait une autorité indépendante des vicissitudes de l’élection et aussi durable que sa vie. Son compétiteur Isauricus lui fit offrir des sommes énormes, s’il voulait se désister en sa faveur de ses prétentions. « Allez lui dire, répondit César à son émissaire, que j’en emprunterai de plus énormes encore pour l’emporter sur lui. »

Le jour de l’élection, comme sa mère, inquiète des incertitudes et des tumultes de la place publique, l’accompagnait et l’embrassait dans le vestibule de sa maison : « Ma mère, lui dit-il avec une résolution qui affrontait jusqu’au crime pour réussir, souvenez-vous que vous ne