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CÉSAR.

reverrez aujourd’hui votre fils que souverain pontife ou banni de Rome ! »

Ce succès, vainement disputé par le sénat, ne fit que l’animer à de nouvelles brigues. Toute hauteur n’était pour lui qu’un degré. Il brigua la préture, qu’il obtint, et le gouvernement d’Égypte, source de richesse, qui lui fut refusé par l’ascendant du sénat et des patriciens. Ce refus lui laissa une soif de vengeance qui ne pouvait s’assouvir que dans le sang de ses ennemis. Il n’avait jusque-là que louvoyé et intrigué. De ce jour il paraît avoir conspiré avec ceux qui méditaient la subversion complète du sénat, des patriciens, de la république. Caton, Cicéron, Pompée, Suétone, Plutarque, Salluste lui-même, si lâchement réservé envers sa mémoire par des réticences et par des désignations transparentes, l’accusent unanimement d’une complicité tacite avec les radicaux sanguinaires et incendiaires de Rome.

Laissons ici parler Salluste, l’historien oculaire de cette conjuration ; mais, auparavant, disons ce que nous pensons en conscience de cette fantasmagorie historique et de cette horreur de convention que les rhéteurs politiques se sont transmis d’âge en âge, sur la parole de Cicéron, au sujet de Catilina et de son parti.

L’histoire n’est pas obligée de croire tout ce qu’on lui raconte ; quelquefois même, comme dans cette affaire, elle ne croit pas tout ce qu’elle dit. Il y a des esprits qui grossissent, connue le cristal, les petites choses, et qui créent des monstres pour avoir la gloire de les dompter. Tout atteste une exagération historique, non encore réduite a sa stature réelle, dans l’histoire de Salluste et dans les harangues de Cicéron. Napoléon, à qui l’expérience avait donné le tact des réalités dans l’histoire, pensait de la conjuration de Catilina ce que nous en avons nous-même toujours pensé. Il analyse ainsi, dans une conversation à