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CÉSAR.

Sainte-Hélène et dans le sang-froid de la distance, son impression d’esprit sur la conspiration plus littéraire et plus oratoire que politique de Catilina :

« Aujourd’hui, 22 mars 1820, l’empereur lisait dans l’histoire romaine la conjuration de Catilina. Il lui était impossible de la comprendre telle qu’elle est retracée. « Quelque scélérat que fût Catilina, disait›il, il devait avoir un objet. Ce ne pouvait être celui de gouverner Rome, puisqu’on l’accusait d’avoir voulu mettre le feu aux quatre coins de la ville. » L’empereur pensait que c’était plutôt quelque nouvelle faction, à la façon de celles de Marius et de Sylla, qui, ayant échoué, avait accumulé sur son chef toutes les accusations banales dont on accable les chefs en pareil cas. Quelqu’un fit observer à l’empereur que c’était précisément ce qui lui serait arrivé à lui-même s’il avait succombé en vendémiaire, en fructidor ou au 18 brumaire. »

On pouvait ajouter : et au 20 mars 1815.

L’empereur tournait instinctivement autour de la vérité, mais il ne la touchait pas à nu tout entière. Catilina ii’était point le chef, il était le recruteur d’une grande faction. Cette faction n’était ni semblable à celle de Marius, ni semblable à celle de Sylla ; car celle de Marius était la faction du peuple, celle de Sylla la faction de l’aristocratie. La tourbe de Catilina était une faction mixte, confuse, infime, formée de la lie et de l’écume de tous les partis, une faction purement turbulente et personnelle, sans autre objet que le trouble et la subversion, comme toute faction démagogique, et qui n’était au fond que la faction de César.

César, en homme politique mille fois supérieur à Catilina, avait agité et il agitait d’une main invisible tous les éléments d’opinion, d’intérêt juste ou injuste, de raison ou de passion qui formaient, à Rome et en Italie, l’opposition