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CÉSAR.

aux grands et au sénat, maîtres du gouvernement qu’il voulait détruire pour s’élever sur ses ruines. Ces éléments étaient : le droit légitime de cité et de suffrage réclamé par les villes municipales des provinces ; la convoitise des colons et des vétérans, investiture des terres, des domaines publics ; les murmures des alliés opprimés et spoliés par les proconsuls ; les ressentiments du parti de Marius, abattu par l’aristocratie implacable de Sylla ; la soif, chez les proscrits de ce parti vaincu, de rentrer dans leur patrie et dans leurs biens ; la terreur des partisans de Sylla de voir rentrer des proscrits à qui il faudrait restituer ces maisons et ces biens ; la turbulence de la plèbe romaine de la capitale, composée de trois cent mille ouvriers enrégimentés en corporations menaçantes ; qu’il fallait nourrir et peu près comme ces immenses ateliers nationaux que, sous une forme ou sous une autre, l’industrie accumule et le trésor public nourrit dans nos propres capitales ; l’insolence tumultueuse du peuple politique, c’est-à-dire des cinq cent mille citoyens romains, maîtres du Forum et des comices par les votes et souvent du sénat par les séditions ; enfin l’envie de la multitude contre les patriciens et l’ambition effrénée des jeunes patriciens de son âge, tels que les Crassus, les Lépidus, les Antoine, les Pison, les Curion, les Clodius, les Dolabella, les Céthégus, les Catilina, impatients de l’austérité de Caton, de la sagesse de Cicéron, de l’autorité de Pompée, de la majesté du sénat.

On pouvait ajouter à ces éléments de trouble une armée de gladiateurs dressés au meurtre dès leur enfance, hommes aussi indifférents à donner qu’à recevoir la mort, qu’on entretenait à Rome ou aux portes de Rome pour les plaisirs sanguinaires des Romains, et que César avait appelés lui-même, sous prétexte de jeux publics, au nombre de trois mille, à Capoue, dans la Campanie. On pouvait énumérer, en outre, des millions d’esclaves que la voix de