Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
CÉSAR.

Sertorius avait déjà relevés de leur abjection civile en Espagne pagne et qui, en recevant des armes des partis politiques, pouvaient submerger non-seulement l’État, mais la société romaine elle-même.

Tels étaient les ferments que l’habileté perverse du jeune César se complaisait, sinon à remuer lui-même, par pudeur ou par prudence, du moins à voir remuer par la main du parti désespéré des radicaux de Rome, hommes dont il avait les mœurs et les dettes, dont il affichait les principes, dont il se laissait proclamer tout bas le complice et tout haut l’espérance. Voilà le mystère de cette conjuration de Catilina, dont on pouvait avouer honorablement quelques tendances justes et populaires en désavouant les moyens et les instruments : mine composée avec art pour faire sauter le gouvernement aristocratique de Rome, laquelle, comme la poudre, s’anéantît elle=même en éclatant et ne laissât que débris, fumée et horreur.

Napoléon voyait bien l’absurdité historique du caractère contradictoire de Catilina et de sa conjuration, mais il avait ses raisons pour n’y pas voir, au fond, César. Comment s’expliquer, en effet, que Catilina eût fait trembler Rome ? qu’il eût assez de crédit sur le peuple pour y briguer avec une vraisemblance de succès le consulat, et qu’en même temps il fût cet homme exécrable et exécré de tous et même de la plèbe, poursuivi jusque devant ses juges par les malédictions de tout le peuple, et forcé de s’enfuir seul et nuitamment, le lendemain, de la ville qu’il prétendait bouleverser la veille ? Comment s’expliquer un tel phénomène d’un homme à la fois si passionnément redouté et si unanimement désiré, autrement que par une main invisible que le lançait en avant pour tenter la fortune, et qui, en se retirant parce que l’heure était intempestive, l’abandonnait à son propre néant et rejetait sur lui l’horreur publique pour la détourner de son propre crime ? Il n’y a pas d’autre