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CÉSAR.

explication possible de ce mystère historique de Catilina : fantôme créé par César et que le souffle de César laissa s’évanouir en le désavouant. Ajoutez-y la complaisance hypocrite du sénat, heureux de n’avoir pas à juger un coupable plus redouté et plus populaire, et feignant de ne voir de crime que dans l’homme abandonné qu’on lui livrait ; ajoutez-y le bonheur des factions politiques, fières de°pouvoir se laver de leurs propres perversités en flétrissant une perversité imaginaire pire qu’elles-mêmes ; ajoutez-y enfin la vanité probe, mais enflée, de Cicéron, consul fier de paraître sauver à si bon marché sa patrie et de faire des harangues consulaires contre des fantômes : vous comprendrez dans sa vérité l’incompréhensible conjuration sans conjurés et l’incompréhensible anéantissement sans combat de ce factieux sans faction.

Maintenant, laissons parler Salluste. Nous savons le mot, lisons l’énigme. C’est un admirable exercice de style dans l’histoire, comme ce fut un admirable exercice d’éloquence dans l’orateur et un ridicule exercice d’héroïsme dans le sénat. Le danger était dans César, et on s’évertua contre Catilina.

« Lucius Catilina, issu d’une noble famille, avait une grande force d’esprit et de corps, mais un naturel méchant et pervers. Dès son adolescence, les guerres intestines, les meurtres, les rapines, les émotions populaires, charmaient son âme, et tels furent les exercices de sa jeunesse ; d’une constitution à supporter la faim, le froid, les veilles au delà de ce qu’on pourrait croire ; esprit audacieux, rusé, fécond en ressources, capable de tout feindre et de tout dissimuler ; convoiter du bien d’autrui, prodigue du sien, fougueux dans ses passions, il avait assez d’éloquence, de jugement fort peu.

» Son esprit exalté méditait incessamment des projets démesurés, chimériques, impossibles. On l’avait vu, de-