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CÉSAR.

puis la dictature de Sylla, se livrer tout entier à l’ambition de s’emparer du pouvoir : quant au choix des moyens, pourvu qu’il régnât seul, il ne s’en souciait guère. Cet esprit farouche était chaque jour plus tourmenté par l’embarras de ses affaires domestiques et par la conscience de ses crimes, double effet toujours marqué des désordres dont je viens de parler. Enfin il trouva un encouragement dans les mœurs dépravées d’une ville travaillée de deux vices qui sont les pires en sens contraires : le luxe et l’avarice…

» … Au sein d’une ville si grande et si corrompue, Catilina, et rien n’était plus naturel, vit se grouper autour de lui tous les vices et tous les crimes. C’était là son cortége : le libertin, l’adultère, qui, par l’ivrognerie, le jeu, la table, la débauche, avait dissipé son patrimoine, tout homme qui s’était abîmé de dettes pour se racheter d’une bassesse ou d’un crime, en un mot, tout ce qu’il pouvait y avoir dans la république de parricides, de sacriléges, de repris de justice, ou ceux qui pour leurs méfaits redoutaient ses sentences, comme aussi ceux dont la main et la langue parjure, exercées au meurtre des citoyens, soutenaient l’existence ; tous ceux enfin que tourmentaient l’infamie, la misère ou le remords : voilà, sans exception, quels étaient les compagnons, les familiers de Catilina. Et si quelqu’un encore pur de crime avait le malheur de se lier avec lui d’amitié, il ne tardait pas, entraîné par la séduction de son commerce journalier, à devenir en tout semblable aux autres. Mais c’était surtout des jeunes gens que Catilina recherchait l’intimité. Ces âmes tendres et flexibles à cette époque de la vie se laissaient prendre facilement à ses piéges ; car, selon le goût de leur âge qui dominait en eux, aux uns il procurait des courtisanes, pour les autres il achetait des chiens et des chevaux ; enfin il ne ménageait ni l’or ni les plus honteuses complaisances pour