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HOMÈRE.

froment de Lydie, pour le transporter à Leucade, dans l’île montagneuse de Lesbos. Plus amoureux des chants divins que les autres navigateurs de la rade, il ne cherchait pas seulement la fortune, mais la sagesse et la science, sur les terres qu’il visitait. Frappé du génie et de la supériorité d’Homère sur tous les hommes qu’il avait entendus dans les écoles ou dans les temples de la Grèce et de l’Ionie, il se lia d’amitié avec le jeune Mélésigène ; il lui dépeignait les terres, les îles, les mers, les cultes, les villes, les ports des rivages divers où son commerce de grains le conduisait ; il le convainquit que le livre vivant et infini de la nature était la véritable école de toute vérité, de toute poésie, de toute sagesse ; il enflamma l’esprit du jeune homme du désir de lire par ses propres yeux dans ce livre des dieux. Homère, à qui les images et les couleurs manquaient pour rendre sensibles les inépuisables conceptions de son esprit, renonça généreusement à la fortune et à la renommée domestique qui lui souriaient dans sa patrie, pour aller enrichir son imagination, nourrir son âme, et recueillir des impressions et des images sur toute la terre. Il ferma son école, vendit la maison et les laines de Phémius ; et, prenant pour maison le vaisseau de Mentès, il lui paya le prix de ce foyer errant pour plusieurs années.

Homère, en compagnie de son ami et de son pilote Mentès, navigua ainsi pendant un espace de temps inconnu. Voyageur, trafiquant, matelot, chantre tour à tour ou tout à la fois, il visita l’Égypte, source alors de toute lumière, et patrie originelle de tous les dieux du paganisme ; l’Espagne, l’Italie, les rivages de la mer Adriatique, ceux du Péloponèse, les îles, les écueils, les continents ; conversant avec tous les peuples, prenant leçon de tous les sages, et recueillant, sur des notes perdues depuis, les descriptions, les souvenirs, les histoires, les symboles dont il construisit plus tard ses poëmes. Il revenait pauvre