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CÉSAR.

pas de plus cruelle conviction de la culpabilité de César :

« Je vois l’affaire qui nous occupe sous un jour bien différent, sénateurs, soit que j’envisage la chose même et nos périls, soit que je réfléchisse sur les avis proposés par plusieurs préopinants. Ils se sont beaucoup étendus, ce me semble, sur la punition due à des hommes qui ont préparé la guerre à leur patrie, à leurs parents, à leurs autels, à leurs foyers. Or, la chose même nous dit qu’il faut plutôt songer à nous prémunir contre les conjurés qu’a statuer sur leur supplice. Car les autres crimes, on ne les poursuit que quand ils ont été commis ; mais celui-ci, si vous ne le prévenez, vous voudrez en vain, après son accomplissement, recourir à la vindicte des lois. Dans une ville conquise, il ne reste rien aux vaincus. Mais, au nom des dieux immortels, je vous adjure, vous, pour qui vos maisons, vos terres, vos statues, vos tableaux, ont toujours été d’un plus grand prix que la république, si ces biens, de quelque nature qu’ils soient, objets de vos tendres attachements, vous voulez les conserver, si à vos jouissances vous voulez ménager un loisir nécessaire, sortez enfin de votre engourdissement et prenez en main la chose publique. Il ne s’agit aujourd’hui ni des revenus de l’État ni des outrages faits à nos alliés ; c’est votre liberté, c’est votre existence qui sont mises en péril.

» Souvent, sénateurs, ma voix s’est élevée dans cette assemblée, souvent le luxe et l’avarice de nos concitoyens y furent le sujet de mes plaintes, et, pour ce motif, je me suis fait beaucoup d’ennemis ; car moi, qui ne me serais jamais pardonné même la pensée d’une faute, je ne pardonnerais pas facilement aux autres les excès de leurs passions. Mais, bien que vous tinssiez peu de compte de mes représentations, la république n’en était pas moins forte, sa prospérité était l’excuse de l’insouciance. Aujourd’hui il ne s’agit plus de savoir si nous aurons de bonnes ou de