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CÉSAR.

mauvaises mœurs, si l’empire romain aura plus ou moins d’éclat et d’étendue, mais si toutes ces choses, quelles qu’elles puissent être, nous resteront ou tomberont avec nous au pouvoir de nos ennemis.

» Et quelqu’un ici viendra me parler de douceur et de clémence ! Il y a déjà longtemps que nous ne savons plus appeler les choses par leur nom. Pour nous, en effet, prodiguer le bien d’autrui s’appelle largesse ; l’audace du crime, c’est le courage. Voilà pourquoi la république est au bord de l’abîme. Que l’on soit (j’y consens, puisque ce sont là nos mœurs) généreux des richesses de nos alliés, compatissant pour les voleurs publics ; mais que du moins on ne se montre pas prodigue de notre sang, et que, pour sauver quelques scélérats, tous les bons citoyens ne soient pas sacrifiés. C’est avec beaucoup d’art étude talent que César vient de disserter devant cette assemblée sur la vie et sur la mort. Il estime faux, je le crois, ce que l’on raconte des enfers, à savoir que, séparés des bons, les méchants vont habiter des lieux noirs, arides, affreux, épouvantables. Son avis est donc de confisquer les biens des conjurés et de retenir les conjurés aux-mêmes en prison dans les municipes. Il craint sans doute que, s’ils restaient à Rome, ils ne fussent, ou par les complices de la conjuration, ou par une multitude soudoyée, enlevés à force ouverte : comme s’il n’y avait de méchants et de scélérats que dans Rome et qu’il n’y en eût point par toute l’Italie ! comme si l’audace n’avait pas plus de force là où il existe moins de moyens pour la réprimer ! Ce conseil que donne César est donc illusoire, s’il craint quelque danger de la part des conjurés. Si au milieu d’alarmes si grandes et si générales, il est seul sans crainte, c’est pour vous comme pour moi un motif de craindre davantage.

» Ainsi, lorsque vous statuerez sur le sort de L. Lentulus et des autres détenus, tenez pour certain que vous