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CÉSAR.

d’expatriation dans les camps, manifesté par le perturbateur de Rome : le sénat, pour se délivrer de la présence d’un orateur et d’un tribun qui rendait Caton sans écho et Cicéron muet ; les patriciens, pour s’affranchir d’un déserteur de sa caste, qui jetait à la plèbe les terres et les priviléges de la noblesse ; les citoyens, pour pacifier Rome en n’y laissant pas un concurrent à leur idole, le grand Pompée ; la plèbe, pour accroître l’autorité d’un chef qui promettait de donner des légions à ses caprices ; Pompée enfin, pour régner seul, dans sa tranquille majesté, à Rome, et pour se délivrer d’un allié dont la supériorité trop proche l’offusquait.

César, après avoir bien réfléchi à la partie du monde où il irait agrandir sa renommée et son influence, choisit les Gaules. Partout ailleurs il trouvait des sentiers battus par d’autres gloires, des comparaisons propres à diminuer ses triomphes, des noms en possession des provinces et qu’il lui serait difficile de détrôner. S’il choisissait l’Espagne, il y trouvait les souvenirs et les légions de Pompée ; s’il choisissait l’Afrique, il y trouvait la mémoire des Scipions et les ruines de Carthage ; s’il choisissait la Grèce, il y trouvait les victoires et les colonnes de Sylla ; s’il choisissait les Indes, il y trouvait Alexandre ; enfin, s’il choisissait l’Asie Mineure et les royaumes de Mithridate, il y retrouvait encore les conquêtes incomparables du grand Pompée, qui venait de refouler cet ennemi des Romains jusqu’à la mer Noire.

Les Gaules seules étaient une terre neuve où pouvait germer dans les ténèbres de l’éloignement et dans le sang des barbares un nom nouveau, un nom qui flattât l’orgueil des Romains. Les lettres de Cicéron donnent ai ces conjectures la certitude d’une opinion publique unanimement admise parmi les confidents de l’ambition de César. Suétone lui attribue ouvertement la même pensée. On ne