Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
CÉSAR.

se trompe pas en jugeant un ambitieux sur son intérêt.

On lui décerna donc d’abord le gouvernement de la Gaule cisalpine, c’est-à-dire du versant des Alpes qui regarde l’Italie et qui entoure le golfe Adriatique ; puis de la Gaule qu’on appelait alors chevelue, à cause des longues chevelures que ses habitants demi-barbares laissaient pendre sur leurs épaules. César éprouva une telle joie de cette double investiture, qu’il en oublia toute prudence et qu’il s’écria en plein sénat « qu’il était parvenu enfin au but de ses désirs, qu’il pouvait braver ses ennemis, et qu’il foulerait désormais sous ses pieds tous ceux qui avaient fait obstacle à sa fortune ! »

Une telle audace dans un sénat où siégeaient Pompée et la majesté de la république scandalisa un de ces obscurs railleurs qui se vengent de leur obscurité par des reparties : « Nous verrons, dit-il à César, si cela sera si facile à un homme qui a joué à la cour de Nicomède le rôle d’une femme ! — Cela n’a pas empêché Sémiramis, répliqua témérairement César, de régner sur la Syrie ! »

Son commandement devait durer trois ans ; on le porta à cinq, et on lui donna les légions pour ce temps. Le sénat, jaloux par servilité d’égaler les libéralités du peuple, s’empressa de condescendre, par ses décrets, à tous les désirs de César. Avant d’être le conquérant des Gaules, Rome l’en faisait plus qu’un roi.

Les Gaules comprenaient alors, indépendamment de l’Illyrie, des plaines arrosées par le Pô, du Piémont, de la Lombardie, d’une partie des Apennins et du pays de Lucques, tout l’espace compris entre les Pyrénées, les Alpes, le Rhin et l’océan, c’est-à-dire la Savoie, l’Helvétie, la France, la Belgique et la Hollande.

Les Gaules étaient alors une proie toute préparée pour la conquête. Les différentes peuplades qui la composaient, alluvions successives des inondations des Barbares, bar-