Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
HOMÈRE.

moire du peuple. Il les jugea et les loua en homme capable de les égaler. Il révéla dans le sublime inspiré le souverain artiste. Ses auditeurs le supplièrent d’honorer leur ville par un long séjour ; ils envièrent au corroyeur la gloire d’avoir été le premier hôte de cet inconnu ; ils lui envoyèrent des présents pour avoir leur part et leur gloire dans l’hospitalité que le tanneur de cuir donnait au chantre des dieux.

Il vécut de sa lyre un certain temps à Neotichos. On montrait encore, du temps d’Hérodote, la place où il s’asseyait pour réciter ses vers, et le peuplier antique dont les premières feuilles étaient tombées sur son front.

Ayant épuisé l’étonnement et l’admiration des habitants, il craignit qu’une plus longue hospitalité ne leur fût importune, et il partit aussi pauvre qu’il était arrivé, ne leur ayant emprunté que la vie. Il dirigea ses pas vers Cymé, et composa, en marchant, quelques vers à l’honneur des Cyméens, pour mériter d’eux un bon accueil. Il passa par Larisse. À la demande des citoyens, il leur dicta une inscription en vers sur une colonne élevée à la mémoire d’un roi qui leur était cher : ces vers subsistent encore. Arrivé aux portes de Cymé, il se nomma, se fit reconnaître pour un descendant des Cyméens. Introduit devant l’assemblée des vieillards, il les enchanta par ses poëmes. Charme lui-même de rencontrer des hommes si amoureux de la lyre, il prit l’engagement de rester au milieu d’eux et de donner l’immortalité à leur patrie, si la ville voulait seulement lui assurer l’abri et la subsistance. Les vieillards l’engagèrent à se présenter devant le sénat, pour faire ratifier ce contrat entre ses concitoyens et lui. Un cortége d’admirateurs l’y accompagna. Debout devant les sénateurs, il renouvela sa demande, et se retira, après avoir chanté, pour attendre la décision des grands. Tous inclinaient à nourrir Homère pour ce salaire de mémoire et de gloire qu’il promettait a la ville. Mais un de ces hommes chagrins qui se croient