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CÉSAR.

qui était située au milieu d’une forêt, il put, grâce à la vitesse de son cheval, gagner la profondeur du bois.

De sa retraite, où il fut rejoint par un petit nombre de cavaliers, il envoya dans toutes les directions des émissaires chargés de publier que César approchait et que chacun eût à pourvoir à sa sûreté. En quelques heures, tous les villages furent abandonnés, et la campagne se couvrit de bandes de fugitifs qui gagnaient, avec leurs provisions et leurs bestiaux, les lieux les plus sauvages et les moins accessibles. Ambiorix, ne gardant près de lui que quatre cavaliers, se tint au milieu des bois, dont il connaissait tous les détours.

César fit cerner et envahir le territoire éburon de tous les côtés à la fois par dix légions et une formidable cavalerie. Alors commencèrent, dit l’historien auquel nous empruntons ce récit, des scènes de désolation plus horribles que tout ce que le pays avait encore vu et souffert. Les légions, la hache à la main, perçaient les forêts ; elles jetaient des ponts sur les marécages ; elles égorgeaient dans ses dernières retraites la multitude fugitive. Mais cette chasse n’était pas sans danger pour les soldats romains : la nature du pays ne leur permettant pas de marcher par grandes masses, les traînards ou ceux qui se séparaient du gros de l’armée périssaient enveloppés dans des embuscades. Pour concilier la sûreté de ses soldats avec l’accomplissement de sa vengeance, César mit les Éburons hors la loi de l’humanité, il fit proclamer qu’il les livrait corps et biens au premier occupant. Il convia à cette proie les peuples voisins, déclarant que quiconque l’aiderait à exterminer cette race scélérate serait compté au nombre des amis du peuple romain. De tous les coins de la Belgique on vit accourir une foule de malfaiteurs et de gens sans aveu. Il n’y eut pas jusqu’aux peuplades germaniques riveraines qui ne voulussent, elles aussi, avoir part à la