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CÉSAR.

lées, tous nos villages ; nous devons brûler nos villes mêmes qui ne sauraient se défendre, de peur qu’elles ne servent de refuge aux lâches ou qu’elles n’attirent l’ennemi par l’espoir du butin. Si ces mesures vous paraissent dures et violentes, n’est-il pas plus dur encore de voir vos femmes et vos enfants réduits en esclavage et de périr vous-mêmes ? car voilà votre sort, si vous êtes vaincus. »

Pas une voix ne protesta contre cet immense sacrifice. Ce fut à l’unanimité que les chefs de tant de nations décidèrent la ruine de leurs fortunes et la dispersion de leurs familles. Ils accomplirent héroïquement et sans délai cette résolution terrible. En un jour, vingt villes des Bituriges sont brûlées par leurs habitants. Cet exemple se propage, et de toutes parts, chez les Carnutes et dans les États voisins, on n’aperçoit plus que le feu et la fumée des incendies volontaires. À travers les décombres, une population innombrable se dirige vers la frontière, souffrante et morne, mais non sans consolation, dit César lui-même, puisqu’une victoire presque certaine l’indemniserait d’un sacrifice et la patrie.

C’était le conseil de l’armée qui désignait les villes dont la destruction paraissait nécessaire. Mais quand on en vint à Avaricum (Bourges), capitale des Bituriges, les habitants en larmes embrassèrent les genoux de Vercingétorix, conjurant les chefs d’avoir pitié de leur ville. Ils protestaient de la défendre jusqu’à la mort et de la sauver. Le conseil et Vercingétorix lui-même, vaincus par leurs larmes et leur désespoir, cédèrent à leurs supplications. Ces ménagements firent leur malheur. La ville périt de même, mais par César, qui la prit après de prodigieux efforts.

La garnison et la population entière, femmes, enfants, vieillards, furent passées au fil de l’épée. Sur quarante mille, et peine huit cents gagnèrent le camp de Vercingétorix. Il les recueillit au milieu de la nuit, en silence, et les