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HOMÈRE.

voyages, et il lui chanta les plus belles parties de ses poëmes qui retracent la vie pastorale ou la vie des matelots. Le berger, fasciné par la science, la sagesse et la poésie de son hôte, oubliait les heures de la nuit. Ils s’endormirent enfin sur les mêmes feuilles.

Avant l’aurore, le berger, laissant Homère endormi dans sa cabane, alla à la ville voisine raconter à son maître la rencontre qu’il avait faite de ce divin vieillard, et l’hospitalité qu’il lui avait donnée. Le maître lui reprocha son imprudence de s’être fié ainsi aux belles paroles d’un inconnu. Il ordonna cependant à Glaucus de lui amener son hôte à Bolisse, pour qu’il jugeât lui-même des merveilles de cet étranger. Homère suivit le berger, charma le maître par son entretien et par ses vers. On lui confia l’éducation des enfants de la maison. Au bruit de son arrivée dans l’île de Chio, Thestoride, tremblant d’être démenti et confondu par la présence de celui dont il avait volé la gloire, s’enfuit de l’île, et alla cacher ailleurs sa honte et son nom.

Après avoir élevé les enfants du maître de Glaucus à Bolisse, Homère, de plus en plus célèbre, alla fonder une école publique dans la ville maritime de Chio, capitale de l’île. Il retrouva sur cette terre étrangère toute la faveur populaire qu’il n’avait pu retrouver et Smyrne, sa patrie. La jeunesse de l’île se pressait en foule à ses leçons ; il devint assez riche des dons des pères et des mères pour se donner a lui-même la douceur d’une famille. Il épousa une fille de l’île, qui préféra en lui la lumière divine du génie à la lumière des yeux. On peut juger de l’amour qu’il eut pour elle par les délicieuses peintures de la tendresse conjugale dont il attendrit partout ses récits. Il eut pour fruits de cet amour tardif deux filles : l’une mourut dans sa fleur ; l’autre se maria à Chio, et perpétua son sang dans cette île, devenue la patrie de sa vieillesse.

Ce fut dans la douce aisance et dans le loisir de sa vie