Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
CÉSAR.

la vue de ce général qui était spectateur du combat, se jeta au milieu des ennemis et fit de si grands efforts et tant d’actions d’une valeur éclatante qu’il les obligea à prendre la fuite et sauva ses officiers. Ensuite, passant le marais après tous les autres, avec des peines infinies, au travers de cette eau bourbeuse, partie à la nage, partie à pied, il gagna l’autre rive, mais sans son bouclier. César, plein d’admiration pour son grand courage, courut à lui avec de grands cris de joie et de grandes louanges pour l’accueillir et le caresser. Mais lui, tout morne, la tête baissée et le visage couvert de larmes, se jeta à ses pieds et lui demanda pardon de ce qu’il n’avait pas conservé son bouclier.

» Or, ce grand courage et cette grande ambition de bien faire, c’était César qui les faisait naître et qui les nourrissait en eux par de grandes récompenses et par les grands honneurs dont il les comblait sans aucun ménagement, faisant voir que les richesses qu’il amassait dans toutes les guerres, il ne les gardait ni pour satisfaire son luxe ni pour vivre dans les plaisirs, mais qu’elles étaient chez lui comme des prix en réserve pour la valeur, et qu’il ne se trouvait riche qu’au tant qu’il était en état de récompenser ceux de ses soldats qui s’en rendaient dignes ; et ce qui contribuait encore à produire ce bon effet, c’est qu’il s’exposait le premier aux plus grands périls et qu’il ne l’exemptait d’aucun des travaux de la guerre.

» Il est vrai que, pour le mépris des dangers, on n’en était point étonné, à cause de cet ardent désir de gloire dont il était enflammé ; mais pour sa patience dans les travaux, comme elle était beaucoup plus grande que ses forces ne le permettaient, il n’y avait personne qui n’en fût surpris, car il était d’un tempérament très-faible, grêle de corps, d’une chair blanche et molle, souvent travaillé de grands maux de tête et sujet à l’épilepsie, dont il sentit les pre-