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CÉSAR.

dieux et l’iniquité de nos ennemis. Alea jacta est ! Le sort en est jeté ! »

Mot irrévocable prononcé depuis par tous les hommes qui, ne trouvant plus de fond dans leurs pensées et contraints de choisir entre deux périls suprêmes, prennent leur résolution dans leur caractère, ne pouvant la prendre ailleurs, et se jettent à la nage sur le Rubicon du hasard pour périr ou pour se sauver par le sort !

Ainsi Rome périt au son de la musique qui avait sauvé Sparte. Ce berger, ce musicien ou ce gladiateur qui, à l’instigation de César, passa le premier sur la rive sacrée de l’Italie, n’était pas seulement un hasard, c’était un symbole. Il représentait dans sa personne ces colons des provinces opprimées et déshéritées par le sénat, dont César avait embrassé la cause et qui, à leur tour, embrassaient la cause de ses soldats prêts à leur conquérir les droits de la patrie.

L’irrésolution qui avait paru faire chanceler César sur le rivage gaulois cessa dès qu’il eut touché la rive romaine. Il n’y avait plus de retour pour lui, il lui fallait l’empire ou la tombe. Son crime était derrière lui, Rome devant lui ; il marcha avec la rapidité de la foudre sur sa proie.

Ses ordres donnés d’avance et les lieux de rassemblement assignés prouvent que sa temporisation de Ravenne n’était que le calcul des jours de marche nécessaires pour concentrer ses légions sur l’extrême limite de la Gaule cisalpine. Vingt-quatre heures après le passage du Rubicon, il était déjà entré à Rimini, première ville forte de l’Italie. Au premier moment, tout se retira de lui et de son avant-garde de six mille hommes comme d’un sacrilége, mais nul ne se présenta pour le combattre.

Quand il y eut enfin, à Corfinium, un coup à porter contre les légions de Pompée, il fit porter le coup par un