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CÉSAR.

me sépare de tant de citoyens distingués par leur rang et par leur vertu, il faut que je reconnaisse un maître. Il est vrai que César me donne beaucoup de marques de bienveillance et que j’ai eu soin, comme vous le savez, de le ménager de longue main dans la crainte de l’orage qui est prêt à tomber sur nous ; il faut néanmoins examiner d’abord si je puis me fier entièrement à lui, et ensuite, quand j’en serai tout à fait sûr, si un homme de cœur et un bon citoyen peut demeurer soumis à un pouvoir arbitraire dans une ville où il a rempli les premières places, où il a fait des actions éclatantes, et où il est actuellement revêtu d’une dignité auguste et sacrée. D’ailleurs, je risquerais beaucoup, et ce ne serait pas sans quelque honte, si Pompée venait à rétablir les affaires. Voilà les raisons qu’on peut alléguer d’une part, voici maintenant celles qu’on peut leur opposer :

Pompée, jusqu’à présent, n’a montré ni prudence ni résolution ; j’ajoute qu’il n’a eu aucun égard à tous mes avis. Je pourrais rappeler le passé et faire voir que c’est lui qui a donné à César des forces et des armes contre la république ; qu’il lui a inspiré l’audace de se servir des armes pour faire passer des lois ; qu’il a fait joindre au gouvernement de César celui de la Gaule transalpine ; qu’il a recherché son alliance ; qu’il fit les fonctions d’augure lorsque Clodius fut adopté par un plébéien ; que, s’il a contribué a mon rappel, il ne s’était pas opposé à mon exil ; qu’il a fait continuer à César son gouvernement ; enfin qu’il l’a servi en toute occasion. Et même, pendant son troisième consulat, lorsqu’il eut commencé à soutenir les intérêts de la république, il voulut absolument que les dix tribuns proposassent le décret qui permettait à César de demander le consulat sans venir à Rome, ce qu’il confirma encore par une de ses lois. Ne s’est-il pas opposé depuis à M. Marcellus lorsqu’il voulut, le 1er mars, faire