Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
322
CÉSAR.

» Mais, dites-moi, n’est-ce pas une chose déplorable que César, avec la plus mauvaise cause du monde, s’attire des applaudissements, pendant que Pompée avec la meilleure se rend odieux ? que le premier pardonne à ses ennemis, pendant que l’autre abandonne ses amis ? J’ai pour Pompée toute l’amitié que je dois avoir ; mais comment l’excuser d’avoir abandonné tant d’illustres citoyens ? Si c’est par crainte, quelle lâcheté ! et si, comme le prétendent quelques-uns, il a cru que leur mort rendrait sa cause meilleure, vit-on jamais une plus cruelle politique ? Mais laissons la ces tristes idées, qui ne servent qu’à aigrir ma douleur.

» Le 24 au soir, le jeune Balbus passa chez moi ; il courait en diligence et par un chemin détourné après Lentulus, à qui il porte une lettre de César ; il est aussi chargé de lui promettre un gouvernement pour l’engager à revenir à Rome. Je ne crois pas qu’on en puisse rien obtenir sans une entrevue. Le même Balbus m’a dit que César ne souhaitait rien tant que de joindre Pompée, je le crois sans peine, et de se raccommoder avec lui, c’est ce que je ne crois pas ; et j’ai bien peur qu’il n’ait épargné jusqu’à présent le sang de tant d’autres citoyens que parce qu’il n’en veut qu’à Pompée. Balbus, l’oncle du premier, m’écrit aussi que César ne pense qu’à vivre en repos sans disputer à Pompée le premier rang. Vous croyez cela, n’est-il pas vrai ?

» Pompée doit être arrivée à Brindes aujourd’hui, vingt-cinquième de février ; car il a devancé, avec peu de troupes, les légions qu’il avait à Lucerie. Mais César est un prodige de vitesse, d’activité et de vigilance ; les dieux savent ce qui nous attend. »

On voit, par l’interrogation ironique de Cicéron sur la bonne foi de César qui ne demandait, les armes à la main, que la paix, et n’aspirait, en frappant Pompée, qu’à vivre