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CÉSAR.

en humble citoyen sous Pompée, ce que l’opinion publique pensait de la sincérité et de l’abnégation de César.

Plus le départ de Pompée approche, plus l’opinion, en effet, se prononce à Rome et en Italie contre lui. Cicéron, prêt a le suivre, ne peut s’empêcher de l’accuser dans le secret de ses entretiens.

« Non, cet homme, dit-il, ne s’est jamais proposé le bien public, et dans cette occasion moins que dans aucune autre. Il ne cherche, aussi bien que César, qu’à se rendre le maître, et non pas à nous rendre heureux et à établir un bon gouvernement. S’il a abandonné Rome, ce n’est pas qu’il ne pût la défendre, et ce n’est pas non plus par nécessité qu’il abandonne l’Italie ; mais c’est que, dès le commencement, il a eu le dessein de soulever et la terre et la mer, de faire prendre les armes à des rois étrangers, d’inonder l’Italie de nations barbares, et d’avoir à sa disposition de puissantes armées. Il pense depuis longtemps à s’élever où était monté Sylla, et il a avec lui bien des gens qui le souhaitent.

» Croyez-vous qu’il ait été impossible de trouver des voies d’accommodement ? Cela ne l’est pas encore ; mais ces deux concurrents ne veulent point de paix, et ils ont résolu de nous sacrifier à leur ambition. Voilà, en peu de mots, comme vous l’avez souhaité, ce que je pense des malheurs présents. »

L’angoisse de la situation des honnêtes gens rendait Cicéron injuste envers le chef de son parti. L’ambition insouciante de Pompée n’était que celle d’un grand citoyen qui veut être le premier dans sa patrie libre, mais non la renverser ni l’asservir ; celle de César était l’ambition d’un conspirateur armé qui veut le premier rang, non pour la république, mais pour lui. Il est vrai que Pompée, n’ayant pas eu la prévoyance, l’activité et l’énergie nécessaires pour fermer à son rival l’accès de l’Italie et de Rome,