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CÉSAR.

voulait accroître l’horreur des citoyens contre le sacrilége de César en emmenant avec lui hors de Rome et de l’Italie tout ce que Rome et l’Italie comptaient de magistrats, de sénateurs illustres et de citoyens intègres, et en faisant le vide autour de l’usurpateur abhorré de sa patrie.

Cicéron, en cela, ne se trompait pas, tout le témoigne ; mais cette politique extrême de Pompée était désormais la seule qui lui restât à suivre après tant d’inertie qui l’avait rendue nécessaire. Il savait bien, en effet, qu’il était plus facile de vaincre César en Asie ou en Grèce qu’à Rome, où des milliers de colons des provinces, cinq cent mille prolétaires de la plèbe révolutionnaire dans Rome, et au besoin des millions d’esclaves soulevés à sa voix, feraient à César, non plus une armée, mais une nation de partisans et d’auxiliaires. Quand les patriciens veulent un champ de bataille contre les plébéiens, ce n’est pas dans une capitale pleine de plèbe qu’ils doivent le choisir. Pompée en cela était plus politique que Cicéron. Aussi n’écouta-t-il point ses doléances : il entraîna à sa suite au delà des mers les consuls, le sénat, les légions fidèles de la république, les citoyens illustres, la jeunesse patricienne, Caton, Brutus, toutes les lois et toutes les vertus de Rome, la république enfin, et il alla lui chercher un champ de bataille chez les alliés de Rome de l’autre côté de l’Adriatique.

Pendant cette émigration complète de la république avec Pompée, César, n’ayant plus a craindre de résistance en Italie, traversait Rome en éblouissant tous les cœurs de son audace et de sa douceur ; il laissait habilement en suspens sur ses desseins tous les citoyens qui, comme Cicéron, n’avaient pas encore rejoint Pompée en Grèce et qui erraient a demi cachés autour des murailles de Rome.

« Voyez, je vous prie, à quel homme la république a affaire ! Quelle pénétration ! quelle activité ! que de prévoyance ! S’il ne fait paraître ni cruauté ni avarice, il aura