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CÉSAR.

bientôt l’affection de ceux qui le redoutaient le plus. J’entends souvent raisonner les citoyens de ces quartiers et les gens de la campagne ; ils ne se mettent en peine que de leurs champs, de leurs métairies et de leur petit bien. Quel changement ! ils craignent maintenant celui qu’ils exaltaient hier. Les villes d’Italie, malgré ses attentats, le reçoivent comme un dieu, et cela avec une apparence d’ivresse égale à celle qu’elles témoignaient naguère au rétablissement de la santé de Pompée. On tient compte à ce nouveau Pisistrate de tout le mal qu’il ne fait pas ! On espère maintenant autant de sa clémence que l’on redoute de la colère de Pompée. Quelle foule vient partout au-devant de lui ! Quels honneurs ne lui rend-on pas ? Sa modération, quoique feinte et étudiée, ne laisse pas de rassurer…

» J’attends aujourd’hui, quatrième jour de mars, des nouvelles de Brindes ; mais, hélas ! quelles nouvelles ! comment l’un aura fui lâchement, comment l’autre sera entré dans la ville sur ses traces ! César m’écrit qu’il veut me voir, en allant à Brindes, pour me faire intervenir comme négociateur entre lui et Pompée ! S’il vient par la voie Appienne, j’aurai soin, pour l’éviter, d’aller à Arpinum. »

En attendant les nouvelles de Brindes, Cicéron, à l’exemple de Caton, de Brutus, de Scipion, de tous les citoyens cherchant dans ces ténèbres où est, non le salut, mais le devoir, examine, dit-il, dans les perplexités de sa patrie, « si l’on peut demeurer dans son pays lorsqu’il est tombé sous la puissance d’un tyran ? si l’on doit employer toutes sortes de moyens pour le délivrer de la tyrannie, quand même cela l’exposerait à une entière ruine ? si l’on ne doit pas prendre garde que celui qu’on oppose au tyran ne s’élève lui-même trop haut ? si l’on ne peut pas attendre quelque circonstance favorable pour servir sa patrie et tenter plutôt des voies d’accommodement que la voie des