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CÉSAR.

que je ne veux pas prendre pour modèle. Que cette modération et cette humanité soient pour moi de nouveaux moyens de tout vaincre ! J’ai déjà imaginé quelques mesures dans ce sens, pensez-y de votre côté ; on peut en imaginer encore d’autres.

» Pompée devrait bien être convaincu, enfin, par mes égards envers ses lieutenants et par vos exhortations, qu’il vaudrait mieux être mon ami que l’ami de tous ces gens qui furent toujours mes ennemis et les siens, et qui, par leurs artifices, ont précipité la république dans l’état où vous la voyez ! »

De nouvelles terreurs saisirent l’Italie après le moment de détente qui suivit l’embarquement des consuls, de l’armée et du sénat avec Pompée. On ne se dissimulait pas que la guerre, quoique éloignée de Rome, allait prendre les proportions du monde romain où Pompée et César l’avaient transportée.

« Je vois la république, écrit Cicéron, à la veille d’une guerre funeste que Pompée commencera en affamant l’Italie, et je suis fâché néanmoins de n’être point avec ceux qui ont formé un dessein si barbare. En effet, si c’est un crime que de laisser dans le besoin son père et sa mère, comment appellerons-nous le dessein qu’ont formé nos chefs de faire périr par la faim leur patrie, qui doit être encore plus sacrée et plus respectable ? Ce ne sont point là de vaines terreurs et de simples conjectures ; je le sais de nos chefs mêmes. Ces vaisseaux qu’on rassemble de tous côtés, d’Alexandrie, de la Colchide, de Tyr, de Sidon, d’Arade, de Chypre, de la Pamphilie, de la Lycie, de Rhodes, de Chio, de Byzance, de Smyrne, de Milet, de Cos, c’est pour empêcher qu’il ne passe du blé en Italie ou pour se rendre maître de toutes les provinces d’où elle en tire. Mais lorsque Pompée y viendra descendre, qu’il fera paraître de colère, surtout contre ceux qui avaient le plus à cœur de la