Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
336
CÉSAR.

combattait pour lui. César, isolé sur la côte de la Grèce, au milieu d’un pays possédé tout entier par son ennemi, ne pouvait ni rester impunément à Apollonie ni forcer Pompée dans ses retranchements inexpugnables. Il raconte lui-même ses insomnies pendant qu’il délibérait avec ses angoisses, S’il se rembarquait, il avouait sa défaite ; s’il tentait l’assaut du retranchement de Pompée, il donnait la victoire certaine à son rival ; s’il restait immobile, son armée périssait de faim.

Son audace le secourut une fois de plus. Scipion, lieutenant de Pompée, occupait, avec une armée romaine, la Macédoine. César résolut de marcher à Scipion, malgré le danger de se trouver ainsi entre deux ennemis. Son instinct militaire lui disait que, si Pompée sortait de ses retranchements pour le suivre, il lui livrerait bataille en rase campagne avec la supériorité de ses vétérans aguerris contre des citoyens novices dans les armes, et que, si Pompée ne le suivait pas, il rencontrerait l’armée de Scipion et nourrirait facilement sa propre armée dans une province riche en villes et en récoltes.

L’expérience de Pompée le détournait du piége ; il voulait conserver l’admirable position qu’il avait choisie et fortifiée mûrement, à l’imitation de Thémislocle ; le temps était pour lui ; l’Italie, abandonnée à elle-même, commençait à éprouver le remords de sa servitude ; la Grèce, l’Asie, l’Afrique, l’Égypte, lui fournissaient des recrues, des vivres, des armes, des trésors, des vaisseaux ; les villes fortes de la Macédoine et de la Thessalie étaient gardées pour lui par ses lieutenants.

César, au contraire, errait loin de ses renforts et de ses vaisseaux, sans asile, sans alliés, sans pain pour ses troupes. Les jours L’usaient sans qu’il y eût besoin des armes. Ces motifs allégués pour l’inaction par Pompée, dans le conseil de guerre et devant le sénat, furent en vain