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CÉSAR.

appuyés de l’éloquence patriotique de Caton, qui voulait épargner le sang romain et laisser le crime et la témérité de César combattre seuls avec les dieux contre César.

La fougue et la jactance des jeunes patriciens du camp de Pompée, enhardis par un premier avantage, l’emportèrent sur la sagesse de Caton et sur l’autorité militaire de Pompée. Le général, vaincu par cette jeunesse, sortit avec le pressentiment de sa ruine du camp de Dyrrachium et suivit César dans la plaine de Pharsale. Scipion l’y rejoignit avec l’armée de Macédoine.

La jonction de ces deux armées exalta jusqu’au délire la confiance des patriciens : ils se partageaient déjà entre eux les dépouilles et les honneurs de César. La bataille, tant provoquée par César, tant évitée par Pompée, s’engagea d’elle-même par la présomption des jeunes républicains de l’armée de Pompée.

Deux cent mille hommes s’entre-choquèrent pendant quelques heures, dans cette plaine ignorée jusque-là du monde, pour décider de la vie ou de la mort de la république maîtresse du monde. Pompée, découragé d’avance, abandonna la bataille à elle-même comme un homme qui a livré sa fortune à des insensés. César ordonna la manœuvre et la dirigea avec la certitude d’un général qui compte sur les fautes de son ennemi présomptueux. Son génie ne le déçut pas.

La cavalerie patricienne de Pompée, croyant envelopper et enfoncer les légions de l’aile droite de César qui fléchissait par feinte sur les montagnes, se heurta contre six cohortes placées en réserve sur un mamelon, se brisa, et, se retournant vers le camp, donna le signal et l’impulsion de la déroute. La vieille infanterie de Pompée soutint seule jusqu’à la mort le choc des deux cent mille légionnaires de César et couvrit de ses morts la plaine de Pharsale.