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CÉSAR.

naissance à ses soldats le mot de sa destinée : bonheur ! Et il resta couché sous sa tente, sans douter du sort.

En quelques heures, ses trente mille hommes en dispersent cent quarante mille à Thapsus, ville qui donne son nom à la dernière victoire de César. Sa clémence, qui n’était jusque-la qu’une séduction pour les vétérans de Pompée, se dément quand il voit qu’elle est inutile devant leur obstination à la république. Il les fait désarmer, cerner et massacrer de sang-froid après la bataille. Tous les chefs prisonniers sont tués par ses ordres ou le préviennent en se frappant eux-mêmes. L’histoire, éblouie par la puissance de César et de ses successeurs intéressés à déshonorer la république expirante, a trop peu remarqué ce grand suicide des défenseurs de Rome qui ne voulurent pas survivre à la liberté de leur patrie.

Quelques-uns des vaincus s’étaient retirés sur les galères à l’ancre, non pour fuir, mais pour mourir plus paisiblement. Ils s’y entretenaient en défiant la fortune. Les soldats de César approchent d’une de ces galères où l’on supposait que le général des vaincus, Métellus, cherchait à fuir. « Où est le général ? criaient les Gaulois. — Il est à l’abri de vos coups, » leur répond Métellus en leur montrant l’épée sanglante dont il venait de se percer la poitrine.

Le roi Juba, aussi Romain que les Romains, avait fait dresser, avant la bataille, un bûcher dans son palais de Zama, sa capitale, pour s’y brûler avec ses femmes, ses enfants, ses trésors, plutôt que de survivre au triomphe de César. Zama lui ayant fermé ses portes après sa défaite, pour éviter la colère de César, Juba et Pétrius, un des généraux vaincus, résolurent de se délivrer de la vie en combattant l’un contre l’autre, non pour la victoire, mais pour la mort. L’Africain tua le Romain ; Juba, désespéré de n’être pas tombé sous une main libre, supplia son esclave de le percer de son épée.