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CÉSAR.

reste à faire. La ville avait dans ses murs et autour de ses murs des forces suffisantes pour une héroïque défense ou pour un mémorable écroulement. La république était si vivante encore dans le cœur de ces trois cents citoyens romains, et la cause de César était si impie à leurs yeux, que nul d’entre eux n’hésita à se rendre à la convocation de Caton.

Pendant qu’ils se rassemblaient et s’encourageaient mutuellement tellement à la constance, Caton, le visage calme, la démarche lente, ayant à la main l’état des troupes, des armes et des approvisionnements, s’avançait vers les portes de ce sénat, rassurant la foule par sa contenance. Le discours qu’il leur adressa et qui nous a été conservé ne trahit ni l’abattement d’un homme, qui sent sa cause s’écrouler sous lui et qui veut ensevelir avec lui les autres, ni la jactance tance d’un fanatique qui dissimule le danger et qui exagère l’espérance.

« Non, leur dit-il, si c’est votre disposition d’esprit de céder à la fortune, je considérerai cette résolution de votre part comme l’œuvre de la nécessité ; que si, au contraire, vous voulez prendre le parti de vous roidir contre l’adversité et de défendre jusqu’à extinction de force votre liberté, non-seulement je vous louerai et j’admirerai votre vertu, mais je resterai à la tête des citoyens et des soldats pour faire une dernière fois ensemble l’épreuve suprême de la fortune. Et peut-être nous récompensera-t-elle de n’avoir désespéré ni d’elle, ni de la justice, ni de la Providence, ni de notre patrie. Car la patrie n’est ni Thapsus ni Utique, mais Rome, qui souvent s’est relevée de plus grandes chutes par sa seule force et par sa propre vitalité.

» Tout n’est pas perdu : notre meilleure chance de salut est que nous résistons à un homme que la nécessité de ses affaires appelle en plusieurs lieux à la fois. L’Espagne vient de se révolter contre son joug et de se jeter avec son peuple