Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
346
CÉSAR.

et ses légions dans la cause du fils de Pompée. Rome elle-même n’a pas encore accepté le frein ; elle commence à s’indigner et à se cabrer contre la tyrannie. Ne craignons pas d’exposer nos biens et notre vie pour ce qui vaut mieux que la vie et les biens, et suivons l’exemple de notre ennemi, qui ne craint pas d’exposer tous les jours sa tête pour le succès du plus grand des attentats. Une vie heureuse nous est assurée si nous triomphons ; une mort honnête et glorieuse si nous succombons. Cependant, délibérez mûrement et librement avec vous-mêmes, et priez les dieux de vous inspirer ce qu’il y a de plus sage et de plus saint. »

Les trois cents sénateurs semblaient avoir respiré l’âme de Caton dans ses paroles ; ils décidèrent a l’unanimité de résister à César par les moyens les plus désespérés, demandant même qu’on donnât la liberté et des armes à tous les esclaves, pour doubler les forces des républicains. Mais Caton, qu’inquiétait cette émancipation en masse et sans indemnité des esclaves, propriété sacrée dans l’antiquité, quoique inique, repoussa cette spoliation extrême des citoyens et ne voulut adjoindre à l’armée que les esclaves qui seraient volontairement affranchis pour le salut commun par leurs maîtres, préférant la justice même à la victoire. Les sénateurs, empressés à donner l’exemple, affranchirent à l’instant tous leurs esclaves, et Caton leur donna des armes.

Mais à peine avaient-ils fait ce sacrifice à la patrie et à l’éloquence de Caton, que l’enthousiasme dont ils avaient été saisis en sa présence se refroidit après qu’il fut sorti, et qu’ils commencèrent à se demander s’il était vraiment prudent et raisonnable a quelques citoyens isolés, et trafiquants comme eux dans une colonie d’Afrique, de résister, jusqu’à la perte de leurs biens, de leurs esclaves et de leurs vies, à celui à qui ni Rome, ni l’Espagne, ni la Gaule, ni l’Asie, ni l’Afrique ne résistaient plus, et s’il y avait réel-