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CÉSAR.

stipuler pour moi ; car c’est aux vaincus, ajouta-t-il, de demander grâce, et aux criminels d’implorer le pardon. Quant à moi, je ne suis pas vaincu, puisque je succombe avec la liberté et la justice ; c’est César qui est le véritable vaincu et qui s’avoue lui-même aujourd’hui le grand coupable, puisque, après avoir si longtemps nié qu’il tramât rien contre sa patrie, il est pris aujourd’hui en flagrant délit et en plein soleil la main dans les lois, dans la liberté et dans le sang de Rome. »

Ayant laissé après ces paroles les trois cents sénateurs d’Utique à leur délibération, il rentra dans la citadelle et conjura les sénateurs de Rome de chercher leur salut sur terre et sur mer et de sortir d’Utique avant que l’avant-garde des troupes de César leur fermât la fuite. Il leur fit équiper des galères ; il présida lui-même à la retraite des cavaliers de Métellus, qui s’obstinaient à aller rejoindre les Numides de Juba.

Son aspect cependant faisait rougir la multitude de la lâcheté de ses chefs ; le peuple et les esclaves s’insurgeaient pour la liberté, abandonnée par les hommes libres et par les puissants. Ils menaçaient les trois cents notables de les immoler à leur honte. Caton, comme s’il eût été désintéressé dans l’une et l’autre cause, convoqua le peuple et les esclaves sur la place publique, les harangua, leur montra le danger de l’insurrection civile et de l’anarchie en face d’un ennemi prêt à forcer leurs portes, et les conjura de laisser leurs principaux citoyens, arbitres de leur sort, négocier avec César pour le salut commun. Quand à lui, son indifférence et sa tranquillité annonçaient qu’il avait pourvu au sien.

Il conduisit ensuite les sénateurs romains jusqu’aux galères et les embrassa en leur souhaitant une meilleure fortune sous d’autres cieux. Il combattit même avec force quelques exagérations d’héroïsme inutile dans les jeunes