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CÉSAR.

Mais l’expiation marchait du même pas que le cortége du triomphe.

À peine César fut-il parvenu au sommet convoité depuis tant d’années, qu’il parut saisi du vertige de sa propre élévation, qu’il fut comme frappé d’indécision et d’immobilité entre les différents partis qu’il avait à prendre. Dès qu’il eut le monde tout à lui, il ne sut plus qu’en faire. C’est la vengeance des ambitions criminellement satisfaites. Elles ne peuvent plus monter, elles ne peuvent que redescendre ; elles s’affaissent sur elles-mêmes et tombent dans le découragement des passions assouvies.

L’histoire n’a pas assez remarqué, selon nous, cette inaction complète et pour ainsi dire fatale de César, du jour où il fut maître absolu de Rome et de l’univers. Il ne fit plus rien qu’un grand rêve de guerre asiatique, imité d’Alexandre, contre les Parthes, et, de ce rêve, la mort le réveilla en sur saut.

Trois grands partis s’offraient à lui et pouvaient tenter également son génie, sans être au-dessus de ses forces :

Rétablir et réformer la république en réconciliant le peuple et le sénat, les patriciens et les plébéins par une loi électorale plus élargie et plus équitable, créer un sénat national au lieu d’un sénat aristocratique, et rendre aux consuls nommés par ce sénat souverain l’autorité républicaine, à l’abri de la dictature courte qu’il aurait, comme Washington, déposée après la réforme. On a vu qu’il existait assez de civisme et de patriotisme républicain à Rome pour que la république réformée pût se gouverner ainsi longtemps elle-même en démocratisant son gouvernement.

Faire une révolution sociale, c’est-à-dire tenir les promesses téméraires dans la paix, mais réalisables dans un bouleversement général dont ses armées le laissaient l’arbitre ; abattre entièrement l’aristocratie ; élever tous les