Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
HOMÈRE.

doute, mais tout cela visible et transparent sous les symboles, comme la forme sous le vêtement qui la révèle en la voilant. Il lui apprend ensuite la gloire, cette passion de l’estime mutuelle et de l’estime éternelle, donnée aux hommes comme l’instinct le plus rapproché de la vertu. Il lui apprend le patriotisme dans les exploits de ces héros qui quittent leur royaume paternel, qui s’arrachent des bras de leurs mères et de leurs épouses pour aller sacrifier leur sang dans les expéditions nationales, comme la guerre de Troie, pour illustrer leur commune patrie ; il lui apprend les calamités de ces guerres dans les assauts et les incendies de Troie ; il lui apprend l’amitié dans Achille et Patrocle, la sagesse dans Mentor, la fidélité conjugale dans Andromaque, la piété pour la vieillesse dans le vieux Priam, à qui Achille rend en pleurant le corps de son fils Hector ; l’horreur pour l’outrage des morts dans ce cadavre d’Hector, traîné sept fois autour des murs de sa patrie ; la piété dans Astyanax, son fils, emmené en esclavage, dans le sein de sa mère, par les Grecs ; la vengeance des dieux dans la mort précoce d’Achille ; les suites de l’infidélité dans Hélène ; le mépris pour la trahison du foyer domestique dans Ménélas ; la sainteté des lois, l’utilité des métiers, l’invention et la beauté des arts ; partout, enfin, l’interprétation des images de la nature, contenant toutes un sens moral révélé dans chacun de ses phénomènes sur la terre, sur la mer, dans le ciel ; sorte d’alphabet entre Dieu et l’homme, si complet et si bien épelé dans les vers d’Homère, que le monde moral et le monde matériel, réfléchis l’un dans l’autre comme le firmament dans l’eau, semblent n’être plus qu’une seule pensée, et ne parler qu’une seule et même langue à l’intelligence de l’aveugle divin ! Et cette langue encore cadencée par un tel rhythme de la mesure, et pleine d’une telle musique des mots, que chaque pensée semble entrer dans l’âme par