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CÉSAR.

Rome, le seul dans le monde : cela suffisait à l’univers. Plus le vide qui se creuserait après lui serait grand, plus on admirerait l’homme qui l’avait comblé seul de son nom et de son génie. Cela était impie. L’égoïsme est la politique de l’impiété.

Voyons dans l’état de Rome, au retour de César, ce qui pouvait concourir à nuire, dans les dispositions de l’Italie, à l’une ou l’autre des grandes combinaisons politiques qui s’offraient au choix de César.

Dans le parti des hommes de bien, tout était mort, banni ou absent ; l’indignation sourde avait succédé à la guerre ouverte ; Cicéron et Brutus étaient les seuls qui fussent rentrés en Italie et qui conservassent quelque commerce avec le destructeur de leur parti. Encore avec quelle défiance parlent-ils de César ! « Brutus prétend, écrit Cicéron, que César apporte de bonnes dispositions pour les gens de bien. Mais les gens de bien, où les trouvera-t-il ? À moins qu’il n’aille les chercher dans l’empire de la mort, où il les a tous envoyés ! Sa tyrannie n’est que trop bien affermie dans ce monde-ci. »

Cependant César flattait avec affectation ces restes du parti du sénat pour dissimuler, aux yeux de l’opinion publique, le vide d’honneur et de vertu qui se faisait autour de lui, et pour essayer de présenter au peuple un fantôme d’institutions libres sous la servitude. Il permettait à Cicéron de publier un éloge de Caton, et il publiait lui-même l’Anti-Caton, livre dans lequel il louait beaucoup Cicéron, tout en le réfutant, comme s’il ne s’agissait que d’une lutte philosophique et littéraire entre la république et César. Il poussait la déférence jusqu’à rendre visite à Cicéron dans sa maison de campagne, à prendre le bain et à se promener au bord de la mer, dans des entretiens familiers, avec l’ami de Caton.

Ces caresses lui reconquéraient non les cœurs, mais les